Avec 1300 lits, l'hôpital Rose-Timone d'Aspen est le plus grand centre hospitalier de la capitale. La plupart des habitants d'Aspen y naissent et y décèdent, quelque part dans ce dédale de béton érigé dans les années 1970 et régulièrement agrandi et rénové depuis. La réputation de cet hôpital public varie selon les services, les praticiens y exerçant et les moyens injectés dans telle ou telle spécialité. Les services pédiatriques et de maladies infectieuses sont considérés, unanimement, comme faisant partie des meilleurs d'Europe.
L'hôpital accueille les services mobiles d'urgence de la capitale.
Services / Chefs de services :
Anatomie et cytologie pathologiques - Pr Francis Mendelbaum
Anesthésie - Réanimation - Pr Nicolas Pirobello
Biologie médicale - Pr Albert Portobello
Cancérologie - Pr Valérie Bosse
Cardiologie et chirurgie cardiaque - Pr André Coeur
Chirurgie générale et vasculaire - Pr Salomon Croisé
Neurochirurgie - Pr Valerio Bisghetti
Dermatologie et vénérologie - Pr Marc-André Chédid
Gala gare son scooter en bas de l'énorme bâtiment principal, abritant le service au sein duquel elle travaille depuis un an. Occupant une aile du 8e étage, le service de médecine interne est dirigé d'une main ferme et paternelle par le professeur Louis-Alexandre de Buixière. Entièrement dédié aux cas complexes, aux maladies rares, aux polypathologies, ce service est celui du temps long, de l'accompagnement humain complet, de l'étude approfondie du parcours de soins et des antécédents de chaque patient. Ce job plaisait à Gala. Durant ses stages et son externat, elle a bouffé les services d'urgence, de gastro-entérologie, de pédiatrie, de soins de suite. A chaque fois, des crises d'angoisse, un syndrome de l'imposteur et une sensation de faire constamment des conneries, à ne plus pouvoir dormir la nuit. Reçue dans le premier quart au concours d'internat, alors que le plus gros de l'élite choisissait cardiologie ou neurochirurgie, elle a choisi médecine interne au CH Aspen Nord. Cinq ans à éplucher les examens, IRM, prises de sang, radios, ADN, antécédents familiaux des habitants des cités. Un vrai casse-tête. Des équations à mille inconnues à n'en plus finir. Des patients qui restent en observation des jours et qu'il faut calmer sans rien pouvoir leur dire. Des diagnostics rarement certains, souvent tragiques. Gala a adoré.
Titularisée à Rose Timone après sa thèse, Gala s'est révélée franchement douée pour poser des diagnostics. Les externes du service, au début de leur stage, pensent tous qu'elle trouve les solutions à l'instinct, pour se la péter, sans vraiment y croire. Au bout de quelques semaines, ils se rendent compte que son cerveau est une machine à calculer qui n'a jamais perdu toutes les données bachotées au long de ses études.
Elle pousse les portes du service. Malek, l'interne du moment, vient la trouver dans la salle de pause où elle se sert du café, le sac encore en bandoulière.
"- Le gosse qui est arrivé avant hier, on ne voit franchement pas ce qu'il peut avoir. Tu te souviens qu'on était partis sur une sclérose en plaques ? Eh bah le liquide céphalo-rachidien ne nous dit rien là dessus, juste des globulines élevées. Le test ADN ne nous donne pas de prédispositions.
- Les autres tests ?
- Avec l'EEG, on a des complexes périodiques des ondes de haut voltage. Sur l'IRM, des petites lésions de la surface blanche.
- A 14 ans, ce n'est pas normal. Il a été adopté, c'est ça ? Et sa mère était une SDF qui venait d'Afrique subsaharienne ? Il faut faire une biopsie cérébrale. Pour moi, c'est une panencéphalite subaigüe sclérosante. Il a chopé le virus de la rougeole par sa mère avant d'être vacciné, et maintenant l'infection se réveille. Ca explique ses troubles du sommeil et son incapacité à se concentrer, sans parler de ses spasmes. Le pauvre, il n'en a plus pour très longtemps. J'irai le voir après les résultats de la biopsie."
Malek fait une tête impressionnée, et s'éloigne avec ses papiers. Gala rejoint la salle de garde, lançant un clin d'œil à Julie, l'infirmière du service. Les deux se tournent autour depuis des mois. Elle est quasi mariée, culturellement hétéro à mort, mais y'a un feeling. Gala s'assoit dans son fauteuil et consulte les dossiers patients. Quatre visites à faire ce matin, des dossiers à éplucher tout l'après midi. Si elle s'en sort bien, à 19H elle est partie. Elle envoie un SMS à sa mère : "Sushis ce soir ?".
